Exposition collective (2016)
En 2015, Lenio Kaklea a reçu une commande de la part du Quartz/Scène Nationale de Brest d’organiser une programmation autour des chorégraphes femmes travaillant à Athènes. Après quelques mois de recherche sur le terrain et des nombreuses rencontres avec des artistes basé·e·s à Athènes, elle a proposé Iris, Alexandra, Mariela, Katerina et moi, une exposition collective qui ne suit pas des directives formelles mais s’intéresse aux différentes manières de faire communauté.
Commissaire: Lenio Kaklea
Collaboration artistique: Lou Forster
Avec les créations (par ordre de présentation):
Arranged by Date and Margin Release de Lenio Kaklea,
PRIVATE: Wear a mask when you talk to me d’Alexandra Bachzetsis,
Alaska d’Iris Karayan,
Collective choreography, Untitled #1 de Mariela Nestora,
et une étape de travail de Katerina Andreou
DJ set: DJ Electric Indigo
Librairie itinérante: Books on the Move
Production: Le Quartz/Scène Nationale de Brest et abd
Remerciements à K.E.T, Dimitri Alexakis et Fotini Banou
Direction editoriale: Lou Forster
Avec les contributions de Katerina Andreou, Alexandra Bachzetsis, Lenio Kaklea, Iris Karayan et Mariela Nestora
Design: Studio Lialios Vazoura
Publié par Big black black mountain the darkness never ever comes
“En mars 2015, Matthieu Banvillet, directeur du Quartz, Scène Nationale de Brest, m’a invité à organiser un “Focus Athènes”.
C’était la première fois que je recevais une telle invitation. Bien que j’étais sceptique au départ, j’ai réalisé que ce serait une belle opportunité pour moi de déchiffrer les identités multiples qui me composent. Je viens d’un pays méditerranéen, confronté à une crise financière, un pays qui se trouve au sud-est de l’Europe, à ses confins. Je suis une femme parfois confrontée à un environnement professionnel sexiste et depuis dix ans je vis à l’étranger, en France.
Lorsque je suis arrivé à Athènes, j’ai entamé une recherche de terrain sur la scène artistique locale que j’avais quittée en 2005. La situation politique du pays avait radicalement changé, mon regard aussi. Ce qui s’est révélé déterminant dans mes choix c’est un certain rapport à la communauté. Je suis partie de la Grèce avec une image idéalisée du travail en compagnie, puis j’ai été confrontée à la destruction de ce modèle et j’ai dû m’adapter à une organisation du travail beaucoup plus flexible, précaire, néolibérale. Ce modèle d’individualisation domine les modes de production actuels et Athènes ne semblait pas devoir y faire exception.
Or, en réaction à la crise financière de 2008, un certain nombre d’artistes ont commencé à occuper des espaces au centre d’Athènes pour travailler collectivement.
Collective choreography, Untitled series, initié par Mariela Nestora est le résultat de ce type d’expérimentations. Pour penser la communauté je me suis intéressée aux modes de production marginaux et aux nouveaux échanges d’idées à l’oeuvre dans le champ chorégraphique, un art lui-même marginal.
Iris, Alexandra, Mariela, Katerina et moi ne suit donc pas des directives formelles mais s’intéresse aux différentes manières de faire communauté. Alors qu’Iris Karayan développe, par exemple, une approche formelle du mouvement permettant d’agencer un groupe de danseurs, Alexandra Bachzetsis travaille sur plusieurs corps androgynes en constante transformation. Quant à Katerina Andreou, elle présente une étape d’un travail en cours sur certaines idées d’autonomie. Elle a quitté la Grèce pour étudier et développer son travail en France. Sa démarche fait écho à mon propre parcours.
Intéressée par le travail chorégraphique de ces femmes et lorsque j'organisait cette programmation, je me suis retrouvée confronté aux stratégies institutionnelles qui poussent la production artistique à adopter certains formats. J’ai voulu éviter de reproduire des gestes curatoriaux que je trouve aliénant en tant que chorégraphe tout en exposant des travaux que je juge accomplis pour ce type de visibilité et je n’ai pas joué la carte ni de la starification, ni de l’émergence. Mon idée était que ce focus pouvait servir de jalon pour mon travail et pour celui d’Iris, d’Alexandra, de Mariela et de Katerina, initiant un dialogue qui se poursuivrait par la suite entre nous et avec le public.
Je me suis rendue compte que faire une programmation était une manière de penser des modes de subjectivation. Je n’ai pas choisi des pièces selon des critères objectifs, leur valeur marchande ou historique, comme le font certaines institutions. Ce qui m’intéressait, c’était d’observer la manière dont le processus de choix me transforme et me redéfinit. Il reflète, donc, cette identité fragmentée, transitoire et bâtarde qui me caractérise et j’invite le public à s’associer à cette identité en devenir.” - Lenio Kaklea